Construction du corps et investissement de l’espace

L’espace est une notion complexe qui se caractérise à la fois par son aspect concret et abstrait. Sa représentation a évolué à travers les siècles, permettant une compréhension toujours plus fine mais aussi complexe de ses caractéristiques. L’espace est l’étendue qui permet les mouvements tout en leur donnant une structure organisatrice dans laquelle va pouvoir s’exprimer la subjectivité de chacun.

In utéro, espace clos et contenant, le fœtus est baigné dans une multitude de signaux, avec lesquels il interagit progressivement par des réactions toniques et motrices. A la naissance, le bébé se retrouve dans un milieu aérien ouvert qui enrichit son expérience par de nouvelles afférences sensorielles. A ce moment-là de la vie, il est crucial pour le bébé de recevoir le portage et la contenance des personnes qui prennent soin de lui, dans une singulière synchronicité entre les besoins de l’enfant et les réponses de l’environnement. Ces dialogues tonico-émotionnels permettent à l’enfant de se réguler afin de commencer à construire les premières ébauches d’une alternance entre soi et le monde : l’espace, en tant qu’écart entre lui et l’autre, donnant accès à l’altérité.

A travers ses premières interactions, le bébé élabore sa corporalité et expérimente des conduites de rapprochement et d’éloignement à la recherche de la « bonne distance », au sens d’une adaptation constante et réciproque. D’un espace fusionnel, il s’individualise et sa gestualité lui permet de comprendre et de construire différents espaces pour agir sur le monde. Progressivement, la motricité de l’enfant s’organise et ses expériences sensori-motrices et proprioceptives participent d’une co-construction entre l’élaboration des représentations corporelles et la connaissance de l’environnement. Ainsi il développe et approfondit les interactions avec son milieu, qu’il va pouvoir s’approprier pour en faire son espace.

A l’adolescence, les remaniements corporels animent le sujet qui va se construire de nouveaux repères. Le rapport au monde en est souvent bouleversé. D’un espace familial à un espace social, il construit son identité. Au cours de ce cheminement, le corps s’imprègne de nouvelles sensations, d’émotions, etc. Le vieillissement s’accompagne d’une évolution des fonctions motrices et cognitives. Le sujet est alors amené à trouver un nouvel équilibre.

C’est donc tout au long de la vie, et en interaction permanente avec son environnement, que la personne évolue grâce à ses compétences motrices, cognitives, émotionnelles et sociales ; c’est en habitant son espace corporel et dans la rencontre à l’autre que l’être humain peut concevoir, appréhender et se déployer dans les multiples espaces qui s’offrent à lui afin d’y trouver sa place.

Qu’en est-il lorsque le processus de développement ne se déroule pas de façon harmonieuse ?

Quels sont les enjeux et les écueils à repérer et à prévenir dans les étapes charnières ?

Quels sont les impacts de certains évènements de vie, tels que le handicap, la maladie, le traumatisme, sur notre rapport au monde ?

Différentes disciplines (philosophie, anthropologie, neurosciences, psychologie, ethnologie, pédagogie, …) peuvent éclairer les psychomotriciens pour penser les liens entre la structuration du corps et la spatialité.

Quels sont les outils d’observation à proposer pour comprendre les éléments impactant ce processus ? Quels sont les espaces et les médiations à offrir au sujet pour lui permettre un investissement de son corps et de l’espace le plus harmonieux possible ?

Tout individu est amené à traverser et à s’imprégner de différents espaces, socle de sa construction. Ce sont donc les liens entre le développement psychomoteur et l’intégration de l’espace que nous interrogerons lors de ces journées annuelles de la psychomotricité.